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L’automobile, ce n’est pourtant pas difficile … juillet 19, 2012

Posted by jmplanche in Journal de bord, Note du jour.
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Après les malheurs du secteur télécom en France, nous frappe (et je pèse mes mots), les malheurs du secteur automobile et du groupe Peugeot, qui font la une de l’actualité en ce moment.

Si vous me suivez sur twitter, vous savez que ce secteur m’est cher et que je n’en fini pas de râler sur les occasions perdues, alors que nous avons des groupes industriels puissants et des compétences certaines et surtout des positions établies, même si elles sont fragiles.
Entre les publicités stupides, les sacrifices de compétences et de marques phare, les choix technologiques, le manque de vision et de passion, la marche à contre courant en n’exploitant pas à temps son histoire ou en l’exploitant trop tard … j’enrage.

En fait, je m’aperçois que tous les secteurs structurants des années 1880 / 1930 me sont chers : l’automobile, l’aviation, l’architecture, les sciences, la photo, la marine … mais tout ceci est une autre histoire. A l’époque on faisait différemment, on inventait (et pas seulement la vie qui va avec), l’initiateur, l’entrepreneur était le patron et risquait tout à l’évènement de son idée. On ne faisait pas d’étude de marché, le marketing était « intégré », « chevillé au corps » … ON SENTAIT les choses.

Aujourd’hui, c’est autre chose. Les gestionnaires ont remplacé les patrons au profit d’une performance financière plus que d’une utilité. Le morcellement du pouvoir et des responsabilités poussent à une déresponsabilisation générale, des produits fades et donc à l’échec à plus ou moins court terme et surtout de plus en plus violent.

Prenons exemple sur l’automobile … secteur infiniment complexe si on le regarde par le petit bout de la lorgnette :

De facon cartésienne, la diversification a du bon :

Comment reprocher à un bon gestionnaire de protéger le vaisseau amiral par un ensemble d’activité plus ou moins connexes qui peuvent prendre le relai d’une croissance principale mise à mal. En fait c’est ce que n’a pas voulu comprendre ou essayer (suffisamment) certains secteurs qui me sont chers, alors pourquoi en faire le procès à Peugeot ?

D’un coté vous me direz qu’il faut être « focus dans son business », que le rêve de Messier a démontré ses limites, que l’histoire begaye et que l’on recommence sans cesse les mêmes erreurs. Et vous auriez raison. Mais de l’autre, je dirais, tant qu’on n’en perd pas le sens des valeurs et de l’intérêt général, en faisant payer à d’autres le fruit de ses erreurs, pourquoi ne pas profiter de la croissance et des évidentes synergies, que peut générer la « maison mère » ?
En plus, en cas de retournement de situation, si le vaisseau amiral prend l’eau, ne devient-il pas plus simple de sauver les moussaillons en changeant de bateau plutôt que de chercher qui va tendre la bouée ?

Mais de facon systémique, n’en oublions nous pas les fondamentaux ?

Et si nous en revenions d’abord aux fondamentaux du marché ?
L’automobile est un produit tout à fait original, mélangeant subtilement utilité / futilité, pragmatisme / image statutaire, raison / déraison. C’est peut être l’un des « produits » les plus complexes à concevoir, tant il s’adresse à des gens différents. Un designer me faisait remarquer que faire du Gandini ou du Pininfarina était une chose, mais « dessiner » une Clio en était une autre, tant l’objet devait pouvoir contenter de cas d’espèce : depuis l’étudiant, la mère d’enfants en bas âge, jusqu’aux retraités.
Mais à vouloir contenter autant de cas de figure, n’en n’oublions nous pas cette curieuse notion de « supplément d’ame » ou de rapport qualité / prix / plaisir pour les plus dogmatiques ? ou de SENS, tout simplement, comme je le dis souvent ?

Une « voiture (mais est-ce limité au secteur automobile ?) qui marche », c’est d’abord :

  • de l’innovation … car les technologies d’aujourd’hui permettent d’atteindre des niveaux absolument exceptionnels et de largement repousser les limites d’une imagination passée ou en panne d’aujourd’hui,
  • une certaine idée de la qualité ou du moins une qualité perçue certaine,
  • corollaire une performance indibutable,
  • corollaire, un prix ou plutôt un rapport qualité / prix. Il est faux de penser que le prix fait tout et de tirer toujours vers le bas. A ce jeu, d’autres feront toujours mieux que nous,
  • et … une EMOTION ou du FUN ou du PLAISIR. Et là, généralement, c’est raté. Quel plaisir avons nous dans la conduite de la plupart des voitures d’aujourd’hui ? Quel « émotion » y a t’il à utiliser des moteurs pensés pour consommer 3 litres au cent et faisant un bruit de machine à coudre ? Quel FUN avons nous à nous déplacer en « électrique« , alors que nous savons pertinemment que le courant faible (l’Internet) sera l’élément différenciant et amusant de ces nouveaux véhicules. (système de réservation, connexion à distance, visualisation / récupération des données des capteurs, partages des ces informations, modification des caractéristiques et du look (tableau de bord) du véhicule au travers de l’accès à son électronique (open source ?) …
    C’est même là où les ingénieurs et les designers les plus brillants ne comprennent plus. Ils rationnalisent à l’extrème, ils vont au bout du cahier des charges parcelaire qu’on leur donne et … bof.
    Exemple : le retour de la surcompression des moteurs, clamé par un précédent ministre comme une excellence francaise et une idée géniale. Les meilleurs ingénieurs (allemands) se sont penchés sur cette technologie et en font quelque chose de … pas si mal. Mais bof. J’échangerais 1000 moteurs modernes avec cette technologie contre 1 ancien atmosphérique, 12 cylindres, 5,7 litres, même à injection. Vous me direz que les temps ont changé. On n’accepte plus de consommer 30 litres au cent … oui, tout comme on ne construit plus de tour Eiffel, de Chrysler Building ou de Concorde ou de Miura. Et alors ? ces produits là ont atteint un stade culte, rien ne pourra jamais effacer leur mémoire. Quant à nos productions d’aujourd’hui ?

A force de tirer vers le bas, nous sommes dans le « produit d’une consommation banale ». La voiture jetable ou au mieux « louable« . Un simple outils de déplacement, qui sera vite dépassé au fur et à mesure de l’amélioration des autres solutions de mutualisation. (métro, bus, train, taxi, avion …)

Plus que jamais, Steve Jobs avait raison : « Middle of the road is the most dangerous place » … sommes nous condamnés à devoir osciller entre du bas de gamme dominé par les Chinois Indiens et du haut de gamme dominé, peut être, un jour par les … Indiens ?
Je ne l’espère ni ne le pense. Et les Allemands nous donnent une belle leçon à ce sujet.

Allons nous trouver, légitimement, (ie: sans artifice pour tordre la réalité, primes à la casse ou autres ou pire désavantage fiscaux de l’ennemi venu d’ailleurs) notre place et saurons nous inventer un « modèle à la Française » dans un monde forcement globalisé ?
Rebondir comme Ford a su le faire ?
Sommes nous condamné à un plan Boussac de l’automobile ?

Oui, plus que jamais, c’est une volonté politique, au sens grec du terme. Le moment est unique et je l’espère pas trop tard, mais j’ai si peur de l’occasion manquée de trop. De ce que l’on fera avec Peugeot, décidera de notre destin sur ce marché. Puisse les politiques avoir conscience de l’importance du moment … quant à celle du site d’Aulnay, je leur conseille de passer un peu de temps là bas pour comprendre, car le sujet risque d’être mordant.

Commentaires»

1. jmp - juillet 19, 2012

Je ne pensais pas avoir raison si vite. (http://www.autoactu.com/arnaud-montebourg-veut-mettre-en-place-des-mesures–protectionnistes–pour-l-industrie.shtml)
Amusant, les mesures précédentes visaient à ré-orienter de l’argent publique pour favoriser un secteur.
Maintenant on travaille à alourdir le sac à dos des autres pour qu’ils courent moins vite que nos champions. En se disant qu’en plus cela va rapporter de l’argent.
Le risque n’est il pas de casser la consommation, tout simplement ? A trop nous prendre pour des vaches à lait (car directement (la gauche) ou indirectement (la droite), c’est nous qui payons … ou pas.

2. Valeur perçue / valeur réelle : jusqu’ici tout va bien, ou presque | "I love it when a plan comes together" - juillet 20, 2012

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3. Francois ][ - juillet 20, 2012

Il est vrai que tant dans l’univers automobile qu’en d’autres domaines, il sort généralement assez peu d’émotion d’une grille excel 🙂

4. mosquito - juillet 26, 2012

Oui, oui, je comprends la réflexion pour l’éprouver également… question d’âge, je pense.
Mais par ailleurs, l’automobile aujourd’hui me semble raisonnablement condamnée à devenir un simple moyen de locomotion, pratique, si possible économe à tous points de vue… en faisant l’impasse de la question ego-plaisir. Sauf pour quelques exceptions en haut de gamme et pour quelques privilégiés.

Franchement, avec tous les radars qu’on croise, les dos d’âne, les ronds points qui s’enchaînent, les éthylotests embarqués, et demain l’anti-démarrage basé sur le même éthylotest, sur l’état de fatigue et que sais-je… conduire devient en fait une corvée : la simple nécessité de se déplacer d’un point A à un point B.
Ajoutez à cela le massacre financier des classes moyennes depuis de nombreuses années, et vous comprendrez qu’il n’y a quasiment plus de place entre les « Dacia » (c’est un exemple) et les Mercedes (c’est un exemple).
En résumé, les « marques et modèles moyens en automobile » sont destinés à disparaître comme l’est la « classe moyenne » de la population.

jmp - juillet 26, 2012

>Mais par ailleurs, l’automobile aujourd’hui me semble raisonnablement condamnée à devenir un simple moyen de locomotion, pratique, si possible économe à tous points de vue… en faisant l’impasse de la question ego-plaisir

Et oui, la déresponsabilisation, pardon la sécurisation générale a frappé. La phase suivante est la voiture avec Google inside qui se conduit toute seule et que j’attends vraiment avec impatience. Mais d’un autre coté, il y aura toujours de merveilleux fous volants ou pas qui exploreront d’autres voies où le plaisir, même s’il rime avec futile domine. D’un autre coté, les ingénieurs sont au pouvoir et peuvent tout fabriquer, même quand le patron réclame une voiture de plus de 1.000 cv. Heureusement l’électronique est là, ainsi que le défi technologique. Mais pourquoi faire ? Si cela en fait rêver certains, moi je préfère quand les artistes Italiens faisaient avec savoir faire et intuition ce que les ingénieurs Allemands ne comprenaient pas encore.
C’est toujours dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes. 😉
Ceci dit, je rêverais de voir les footeux d’aujourd’hui avec les voitures d’hier sans assistance électronique à tout bout de champ. J’ai dans l’idée qu’il n’y aurait plus beaucoup de gens dans les stades la semaine suivante …

mosquito - juillet 26, 2012

Ah ! Nous sommes bien d’accord sur le constat.
Il n’y a pas si longtemps, on pouvait encore régler son carbu avec un tournevis, et changer une ampoule soi-même sans démonter le moteur ! (je caricature à peine)
Et certaines autos nécessitaient un minimum de maîtrise pour ne pas finir dans le premier fossé venu, surtout sur route humide.
Si près et déjà si loin.


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